la cense des anglais

La cense des Anglais

Une (double) découverte personnelle tout-à-fait fortuite, au hasard des photographies aériennes anciennes...

- Date de construction : à déterminer (mais antérieure à 1708)
- Date de destruction : vers 1948 / 1950
- Autres orthographes trouvées : cense aux Anglais, sense des Englaiz

Au hasard des prises de vues aériennes anciennes au-dessus de Lille, disponibles sur le site Remonter le temps de l'IGN, une photographie m'a fortement interpellé.

On y distingue parfaitement deux sites de structure circulaire, situés au niveau de l'actuel quartier des Bois-Blancs et du port de Lille :



On ne peut s'empêcher de songer à des mottes castrales...

Ces sites se retrouvent sur de nombreuses cartes et plans anciens, sans indication particulière, si ce n'est la présence d'un ou plusieurs bâtiments (et d'un pont, pour le site n°1).
Par exemple ici sur un plan daté de 1877 (source : gallica.bnf.fr / BnF) :



Ou ici sur un plan daté de 1860 (source : gallica.bnf.fr / BnF) :



Les cartes de l'état-major disponibles sur le site de l'IGN (1820-1866) montrent également la présence de ces éléments :



A propos du hameau de l'église mentionné sur cette carte au niveau du site n°1 : " La rue [de Canteleu] franchissait l'Arbonnoise sur un pont à l'emplacement de l'actuelle rue d'Isly et donnait accès à la chapelle Notre-Dame-de-Réconciliation, son église paroissiale avant la construction de l'église Saint-Martin ouverte en 1855, entourée d'une petite agglomération nommée « hameau de l'église » où était établi un couvent de Clarisses fermé en 1906. " (source)

Le cadastre de 1829 de la ville d'Esquermes nous éclaire sur ces différents éléments (source : archives municipales de Lille) :



Quelques rapides recherches plus tard, on trouve, toujours sur Wikipedia, dans l'article relatif au quartier des Bois-Blancs, cette mention : " L'extrémité sud-ouest du quartier reste jusque 1950 un territoire aquatique parcouru par le Fourchon ou Arbonnoise avec ses multiples bras et une ferme entourée d'un fossé circulaire indiquée sur d'anciennes cartes : "Cense aux Anglais" ou "château de l'Anglée". "

Me voilà un peu surpris par la confusion entre une cense et le château de l'Anglée qui était pour sa part situé au niveau de l'actuel square du Portugal (et lié à un fief - dit la Haute-Anglée ou fief de l'Anglée - et une famille connus a minima dès les XIVème / XVème siècles : voir par exemple l'ouvrage « Histoire de Marcq-en-Baroeul », ou ici, ici, ou encore « Le Castelo Lillois » n°38, pages 91 à 109), mais c'est une piste plus que sérieuse.

Cet article est accompagné de l'image suivante :



L'un des deux sites serait donc, selon toute vraisemblance, la fameuse cense des Anglais (déformation probable de « de l'Anglée » ?).

Mais lequel ?

Sa situation, telle que montrée sur la dernière image, à l'intérieur de la fourche formée par la Haute-Deûle et l'Arbonnoise (mais aussi la configuration des structures construites visibles sur certaines des cartes ci-dessus) donne nettement à penser que la cense des Anglais est le site n°2, visible ici en détail sur cette photographie de 1931 :



Ou encore sur ce cliché daté de 1948 :



Reste à déterminer ce qu'était le site n°1...
Cessons tout suspense : il s'avère que c'est le château de la Haye d'Esquermes. J'y reviendrai dans un prochain article !

Qu'est devenue cette cense des Anglais ?

Si le site n°1 (le château de la Haye d'Esquermes, donc) a été presque entièrement englouti (au sens propre du terme) par le creusement du port de Lille, quelques vestiges de la cense des Anglais, détruite pour la même raison, doivent cependant encore à ce jour se trouver sous un terrain de football du quartier Bois-Blancs :





(source des images : IGN)



Vous avez dit « rue d'Angleterre » ?

« Courage, honneur et gloire soient rendus à Saint Thomas de Canterbury qui habita autrefois cette maison » : telle est la traduction du texte que l'on peut lire sur la façade du n°8 de la rue d'Angleterre.

Thomas Becket, archevêque de Canterbury, a en effet séjourné en ce lieu lors de son passage à Lille au XIIème siècle.
J'ai toujours entendu dire que la rue d'Angleterre (ancienne rue des Marthes) avait été ainsi (re)baptisée en l'honneur de cette visite du primat d'Angleterre.

Mais une autre explication est possible : il pourrait s'agir selon certains d'une déformation de « rue de l'Anglée » puisque cette rue se « [prolongeait] par un chemin reliant Lille au fief de l'Anglée sur le territoire d'Esquermes. » (source)

Notons aussi que cette rue d'Angleterre débouche directement, côté ouest, sur la paroisse Sainte Catherine dans laquelle la seigneurie de L'Anglée compte au début du XVIIIème siècle un certain nombre de possessions... (source : « Le Castelo Lillois » n°38, page 91)