Il y a 350 ans, Lille devenait française !
publié le
C'était il y a 350 ans, très exactement.
Flamande, bourguignonne, puis espagnole, Lille devenait finalement française.
C'était il y a 350 ans très exactement, le 27 août 1667, en pleine guerre de Dévolution.
De nombreuses villes et places fortes des Pays-Bas espagnols, mal préparées à un siège, ne pouvant compter sur l'arrivée rapide de renforts espagnols, venaient peu auparavant de tomber dans l'escarcelle du Royaume de France (1) : Charleroi (02 juin), Bergues (06 juin), Ath (16 juin), Tournai (26 juin), Douai (07 juillet), Courtrai (18 juillet), mais aussi Audenarde, Bruges, Furnes, ...
Le 08 août 1667, les premiers éléments de l'armée française, composés essentiellement de régiments de cavalerie, arrivent en vue de Lille par le sud-ouest, suivis deux jours plus tard par le reste des troupes.
Louis XIV, accompagné de Turenne, maréchal général des camps et armées du Roi, installe état-major et quartier général de campagne à Loos.
Gouverneur de Lille, alors propriété du comte de Flandre et sous domination espagnole, Spinola, comte de Bruay, avait donné l'ordre face à l'avancée des Français de détruire la plupart des constructions situées hors les murs afin d'éviter qu'elles ne servent d'abri ou de retranchement aux troupes françaises.
Il ne reste donc plus guère d'habitations autour de Lille lorsque les Français arrivent en vue de la ville...
Sur les préconisations de Vauban, alors âgé de 34 ans et ingénieur du génie, la ville de Lille sera finalement attaquée, non, comme le suggéraient certains officiers, par sa partie ouest plus protégée par ses marécages que par son système défensif, mais par l'est, secteur qui, malgré d'imposantes fortifications, était pour lui plus vulnérable aux coups portés par l'artillerie française. (2)
Le quartier général français est donc déplacé sur les hauteurs de Fives, dans une ferme du chemin de Lannoy épargnée par les destructions ordonnées par Spinola, et, le 11 août, le siège de la ville peut débuter. 35.000 français font à ce moment face à la garnison défendant Lille, composée de 2.400 fantassins, de 900 cavaliers et de compagnies bourgeoises.
Dans la nuit du 18 au 19 août, une tranchée est creusée en direction de la porte de Fives (3), et une seconde tranchée, parallèle à la première et communiquant avec elle, en direction de la Noble Tour et du bastion Saint-Sauveur.
Deux batteries sont dressées entre les tranchées.
Les défenseurs lillois tentent sans succès deux sorties le 19 août.
Deux autres tentatives connaissent un échec identique le lendemain 20 août.
Le 25 août, les Français parviennent à se rendre maîtres des contrescarpes voisines de la porte de Fives, avant de s'emparer dans la nuit du 26 des deux demi-lunes protégeant cette même porte, où ils établissent aussitôt des batteries d'artillerie.
A cette nouvelle, le Magistrat de Lille comprend que la ville est perdue et entreprend de convaincre Spinola de capituler, afin d'éviter à Lille un sac inutile.
Réalisant que la garnison n'a effectivement plus la possibilité de contenir les Français en attendant l'éventuelle arrivée de secours extérieurs, Spinola accepte de parlementer.
Le 27 août 1667, l'acte de capitulation et la reddition de Lille sont signés dans cette même ferme de Fives qui avait accueilli le quartier général de Louis XIV.
Le 28 août, à 09 heures, la garnison lilloise et espagnole se rend et sort de la place tandis que les troupes françaises pénètrent dans Lille par la porte de Fives.
En début d'après-midi, Louis XIV fait une entrée triomphale par la porte des Malades (actuelle porte de Paris) afin de recevoir les clefs de la Cité des mains du Magistrat et assister à un Te Deum à la collégiale Saint-Pierre (4).
Le siège de Lille par les troupes de Louis XIV n'aura ainsi duré qu'une poignée de jours. Un temps record !
La prise de la ville s'est faite sans carnage inutile et sans pillages, et les pertes civiles sont limitées. Louis XIV accepte même de maintenir les privilèges et coutumes de la ville, peut-être dans un souci d'apaisement face à une population voyant l'arrivée des Français d'un mauvais oeil pour leurs affaires ?
A compter de cette date, et avec le traité d'Aix-la-Chapelle du 02 mai 1668 qui officialise le rattachement de Lille et des Flandres wallones au Royaume de France, notre ville demeurera française, avec toutefois une courte parenthèse de quatre années, entre le siège perdu de 1708 et le traité d'Utrecht de 1712.
La Campagne de Flandre de Louis XIV se terminera quelques jours plus tard, le 13 septembre 1667 : les liaisons entre Gand et Bruxelles étant définitivement coupées par la prise d'Alost le 12 septembre, la forteresse de Mons finit le lendemain par se rendre sans coup férir.
Plus qu'une campagne, ce fut presque une promenade de santé pour le jeune roi qui atteint brillamment son objectif : desserrer l'étau espagnol autour de la France.
Enfin, le coup d'éclat de Vauban marquera pour lui le début d'une longue période de reconnaissance. Il lui sera notamment confié la construction de notre citadelle, qu'il voulût et parvint à faire « Reine des Citadelles », le renforcement du système de défense et l'agrandissement de la ville, et il sera Gouverneur de Lille de 1668 à 1707.
Un étrange écho ?
Il ne reste absolument plus rien aujourd'hui de la ferme dans laquelle fut établi le quartier général de Louis XIV, et dans laquelle la reddition de Lille aurait été signée.
Un incendie l'a partiellement détruite en mars 1897, épargnant toutefois un donjon.
Celui-ci demeurera visible à l'entrée d'une belle propriété, mais ce vestige de l'histoire de Lille (et de France !) sera finalement abattu en août 1920. ( source )
Voici ce qu'en dit le Grand Hebdomadaire Illustré de l'époque : « Nous avons la tristesse d'enregistrer la démolition de cette ferme historique. La Ville aurait dû l'acheter... Nous vivons une étrange époque où l'administration des cités est confiée soit à des étrangers qui en ignorent le passé et en méconnaissent les traditions, soit à des citoyens pour qui ces choses n'existent pas ! »
Un étrange écho de l'Histoire, à l'heure où il vient d'être décidé par certaine édile, sans autre forme de consultation, de renommer la rue de Paris, rappel ô combien symbolique s'il en est de l'entrée triomphale du Roi Soleil à Lille (par cette même rue !) et du rattachement de notre ville à la France ?
(1) : Lille, située en plein coeur de la Flandre, constituait dès le départ l'un des principaux objectifs de la Campagne de Flandre, mais il fallait préalablement aux Français l'isoler des places fortes l'entourant et par conséquent la protégeant.
(2) : Il semble au demeurant que l'aversion des lillois pour Spinola, pourtant décrit comme un gentilhomme mais que sa politique de la terre brûlée aura vraisemblablement rendu impopulaire, ait pu jouer un rôle dans cette décision, sans doute par l'apport de renseignements intéressants sur le terrain ? ( source )
(3) : Cette porte de Fives sera par la suite, sur l'instigation de Vauban, remplacée par la porte de Tournai.
(4) : La collégiale Saint-Pierre, à laquelle on doit la première attestation de l'existence de la ville de Lille par l'entremise d'une Charte de dotation datée de 1066, était située à l'emplacement de l'actuel palais de justice. Il n'en demeure aujourd'hui plus rien sinon une petite partie de la crypte, hélas en très mauvais état et non accessible au public.
source ou origine : Wikipedia